N'étant pas conteur, je m'interroge au sujet du ou des genres de contes qui sont contés oralement. Bon, les contes merveilleux traditionnels, d'accord, et aussi les contes littéraires adaptés de motifs traditionnels, comme ceux de Perrault (ceux de Pourrat ?). Plus peut-être des contes personnels récents, écrits par les conteurs eux-mêmes ou par des amis à eux.

Mais les contes littéraires, et en particulier ceux qui ont une ambiance poétique ? J'ai pensé à cela à propos de "L'Enfant de la Haute mer", de Jules Supervielle, recueil que j'adore, et en particulier le premier texte, qui donne son nom à l'ouvrage. Mais peut-être n'a-t-on pas le droit de l'utiliser, l'auteur n'étant mort "que" depuis 54 ans ? (encore 16 ans à attendre ?)

Je pense aussi, dans un autre genre, aux contes de Jean Ray, qui ont fait les délices de mon adolescence (une sorte de Lovecraft francophone, mais avec une ambiance inimitable). Aussi à Alphonse Daudet, Marcel Aymé, etc. Ou à Rudyard Kipling.

Ce sont tous des textes que j'adorerais entendre raconter.

Qu'en pensez-vous ?

Finist

"Dans le trois fois neuvi

Pour les textes d'auteur, il faut effectivement attendre 70 ans après la mort de l'auteur ou avoir l'autorisation des ayant-droits et payer. Pour les textes plus anciens, pas de souci de cet ordre.

Après, une fois ce "détail" réglé, il y a plusieurs façons de les aborder. On peut les réciter tels quels, ou en reprendre simplement la trame, comme un "bon vieux" conte. Maupassant plait pas mal aux conteurs il me semble, avec un grand nombre de nouvelles aux trames qui passent parfois très bien à l'oral. Poe aussi, notamment son chat noir que j'ai entendu plusieurs fois. Moi-même j'ai déjà raconté du Alphonse Allais.

Dans l'absolu, certaines histoires qui passent très bien à l'écrit peuvent très mal s'adapter à l'oral. En général, ce sont les histoires dont le style est très travaillé, ou celles qui donnent la part belle à la psychologie des personnages et aux descriptions, au détriment de l'action pure.

Fabien Delorme
[www.fabiendelorme.fr]

Oui, cette histoire d'ayants-droits est une grande calamité pour la culture ! Dans certains cas (comme celui des albums de Tintin), elle est même scandaleuse, quand on voit qui est l'ayant-droit, à part la veuve de Hergé.

Concernant le texte de Supervielle, en fait c'est peut-être plutôt une nouvelle qu'un conte. Il n'y a quasiment pas de péripéties, le texte est essentiellement à l'imparfait (itératif). Pourtant je trouve qu'il a une force d'évocation étonnante, une atmosphère poignante, et qu'il devrait bien passer à l'oral. Il ferait certainement une excellente nouvelle radiophonique, par exemple. En même temps, il ressort du fantastique, mais sans tout le bric-à-brac des accessoires habituels du genre.

En fait c'est un peu ça mon interrogation (question de droits d'auteur mis à part) : est-ce que certains conteurs donnent la priorité à l'atmosphère, à la poésie du texte, plutôt qu'à l'histoire elle-même et à ses rebondissements ? Peut-on tenir un auditoire en haleine avec une simple atmosphère, et très peu d'action ?

(Pour Daudet, Aymé ou Kipling - ou Maupassant, il s'agit plutôt de la qualité du style, mais là, il y a bien un scénario et des péripéties).

Par contre, effectivement, les longues analyses psychologiques doivent être particulièrement "rasoir" à raconter - et à écouter...


Finist

"Dans le trois fois neuvi



Modifié 1 fois. Dernière modification le 20/01/14 12:38 par Finist.

Bonjour,

Quelqu'un qui "récite" un beau texte littéraire est plutôt un diseur qu'un conteur, et il y en a d'excellents ...
Certains peuvent d'ailleurs être parfois conteurs, parfois diseurs, parfois lecteurs, sans que celà nuise à la qualité de leur production.

Les conteurs retravaillent plutôt le texte en gardant ce qu'ils veulent mettre en relief, et ça peut varier de l'un à l'autre :
qui l'atmosphère, qui tel ou tel personnage, qui le déroulement de l'action.

Belle journée

Christine

Finist Ecrivait:
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>
> En fait c'est un peu ça mon interrogation
> (question de droits d'auteur mis à part) : est-ce
> que certains conteurs donnent la priorité à
> l'atmosphère, à la poésie du texte, plutôt qu'à
> l'histoire elle-même et à ses rebondissements ?
> Peut-on tenir un auditoire en haleine avec une
> simple atmosphère, et très peu d'action ?

Oui, bien sûr, même si techniquement on peut dire que dans les cas extrêmes ce n'est plus un conte, ni une histoire (s'il n'y a plus de trame, plus de péripétie, il n'y a plus d'histoire), mais on reste dans le domaine des arts de la parole et ça peut très bien passer, au milieu d'autres "vraies" histoires ou non.

Le cas le plus extrême auquel je pense : j'ai déjà vu, pendant un stage, un conteur "raconter" une recette de cuisine (!) et ça passait très bien ! Bon, je n'assisterais pas à 1h30 de recettes de cuisine, mais au milieu d'un spectacle ça passe sans problème.

D'une manière plus générale, dès que tu racontes / récites un texte qui, même sans trame narrative claire, décrit une succession d'images très fortes, tu as je pense de quoi tenir un public en haleine de la même manière qu'avec une bonne histoire. Et d'ailleurs certains contes merveilleux ne sont en eux-mêmes pas très intéressants mais contiennent par endroit des images tellement évocatrices qu'elles seules valent le coup de raconter l'histoire. La frontière est peut-être plus ténue qu'on pourrait le penser.


Fabien Delorme
[www.fabiendelorme.fr]

Merci de vos réponses, j'y vois un peu plus clair.

Bien d'accord sur les images très fortes et évocatrices (et souvent étranges !) qu'on trouve dans certains contes merveilleux, alors que le scénario n'a souvent rien de bouleversifiant...

Je suis en train de relire "La Petite fille dans la forêt des contes", de Pierre Péju (je l'avais lu il y a pas mal d'années déjà), et il mentionne justement pas mal de ces images qui touchent "au plus profond", qui remuent quelque chose alors qu'on ne sait pas trop au juste pourquoi. En tout cas il considère que la pure interprétation psychanalytique, style Bettelheim, est très réductrice et appauvrissante, même si on ne peut l'ignorer. En quoi je suis bien d'accord avec lui, d'autant qu'il a lu avec attention plusieurs bouquins touchant à la psychanalyse.

Il mentionne d'ailleurs plusieurs contes littéraires, comme ceux de Tieck, Arnim ou Brentano. J'aurais tendance à recommander ce bouquin (même si je ne suis pas copain avec l'auteur !)

Finist

"Dans le trois fois neuvi

C'est difficile de résumer les 36 chapitres de Pinocchio et pourtant j'essaie d'en tirer quelque chose à raconter, pour donner vie moi aussi à cette marionnette et donner envie aux enfants d'en savoir plus, et pourquoi pas aux plus grands de lire le livre en entier.

Bof une petite contribution pour l'image de de petit garnement imparfait !

Diroulire : retrouvez moi maintenant sur [diroulir.blogspot.fr] c'est la suite de "contadiralire".

Salut ! Je trouve que c’est une bonne remarque, car j’ai observé que ce sont plutôt les contes classiques qui sont les plus racontés. C’est difficile de conter les contenus de certains bouquins, car on risque d’être poursuivi par l’auteur ou sesproches. Toutefois, on peut le faire avec notre famille ou entre amis.

je conte les "histoires comme çà" de ruyard Kipling, parce que je les trouvent savoureuses . Au début j'ai eprouvé beaucoup de difficultés pour sortir du texte . Un conseil , si c'est ton envie fait le , mais fait toi aider par un autre conteur, surtout si c'est la première fois que tu le fais : Sortir un conte de son mausolé d'ecriture n'et pas toujours facile et c'est un gros travail .
Bonne journée
Maïkan

*****

"parce que nous sommes tous des enfant perdus dans la for

J'ai aussi des Edgar Poe, des Maupassant, des Histoires comme ça de Kipling, sans gêne par rapport au style concernant les deux derniers. Il y a aussi certains récits du deuxième livre de la Jungle, de Kipling, et d'autres Lettres pour enfants pas sages. C'est une sorte de challenge à chaque fois, un régal... quand on aime les challenges, et le récit en cause. Ce qui n'empêche pas les contes traditionnels. Et un joyeux mélange des deux, un passage de l'un à l'autre. Cela se fait très bien, à condition de bien le maîtriser.

H

Tu peut aller si tu veux du côté de chez Maupassant...Il est libre de droit!